Source : Le Chartisme Francois Baron, Edition Groupe Eyrolles
Savoir utiliser les volumes
Les volumes correspondent au nombre absolu de titres échangés pendant la période considérée. Ils sont habituellement représentés par des traits verticaux, situés sous la courbe en bar-chart, et qui suivent en abscisse la même échelle de temps que cette dernière.
Il ne faut jamais oublier qu’à chaque titre acheté un autre est vendu en même temps, ce qui sousentend une démarche d’analyse contrarienne, lorsqu’on aborde les volumes. En effet, il faut toujours se poser la question : qui achète mais aussi qui vend, ou l’inverse ? C’est cette dialectique qui caractérise l’analyse contrarienne des volumes. Comme tout intervenant a des raisons d’agir qui lui sont propres, il est toujours intéressant d’essayer de comprendre chaque attitude. À chaque instant, le cours de l’action est le reflet d’un consensus sur sa valorisation instantanée.
Tenter de comprendre pourquoi l’un achète alors que l’autre vend, discerner avec quel enthousiasme il le fait (les volumes étant le reflet de cet engouement), peut permettre de prévoir avec plus de pertinence les évolutions possibles de la courbe des prix. Ceci est d’autant plus vrai que les volumes sont souvent en avance sur les prix. Les volumes démasquent les véritables intentions des investisseurs, car ils témoignent de leurs transactions réelles en terme de capitaux échangés.
Cette démarche est plus pertinente que celle qui consiste à considérer uniquement le cours de l’action.
L’étude des volumes est indissociable de la courbe des prix. L’inverse est également vrai, mais il n’est pas si usuel de trouver des analyses fines portant sur les volumes.
Or, ceux-ci nous montrent de façon objective ce que les investisseurs ont réellement fait. Si le cours du titre a monté, y avait-il beaucoup d’acheteurs ce jour-là ? Si on observe des volumes importants, pourquoi alors autant de personnes ont vendu leurs titres ? La hausse du cours est-elle suffisamment importante pour expliquer un tel volume ? etc.
Il faut donc apprécier et analyser l’évolution des volumes en fonction de l’évolution de la courbe des prix, en terme de dynamique et non uniquement de façon statique. Certes, de gros volumes sur des niveaux extrêmes de cotation annoncent souvent des retournements majeurs. Mais comment ont évolué ces volumes précédemment ? Est-ce que ceux-ci rendent légitime la dynamique des cours ? ou existe-il une divergence ? Par ailleurs, si pour une meilleure réussite, une évolution typique des volumes au sein des figures chartistes ou à leurs sorties est un élément attendu et recherché, des évolutions atypiques sont fréquentes et ne remettent pas en cause, à elles seules, la validité des dites figures qui sont uniquement définies par l’évolution des prix.
LES VOLUMES DANS LES TENDANCES HAUSSIÈRES
Comme nous l’avons vu, une tendance haussière saine s’accompagne d’une hausse concomitante et progressive des volumes. Il existe souvent, à l’émergence d’une nouvelle tendance, une forte augmentation des volumes initiatrice du mouvement, nous l’avons vu pour les breakaway gaps, à la rupture de droite de tendance. Cette forte incrémentation volumique donne une bonne probabilité de réussite à cette tendance émergente. En cours de tendance, lors de chaque phase d’avancée, l’on s’attend à voir des volumes en progression régulière prouvant que l’engouement pour le titre persiste. Une hausse sans volume témoigne d’une faible pression vendeuse et est susceptible de se retourner plus facilement. Comme on le dit usuellement : « une hausse sans volume est comme un oiseau sans plume », une chute est à craindre.
Par conséquent, si un nouveau plus haut est atteint sans hausse proportionnelle des volumes, la méfiance est de mise. Cependant, cela n’est pas un signe systématique de fin de tendance. En effet, il arrive sur des valeurs extrêmement haussières, et notamment après le débordement d’un plus haut historique, que le peu de titres à vendre entraîne une hausse rapide et importante avec des volumes semblant en retard. Cela est dû à une carence de titres à la vente et non à la faiblesse des acheteurs ; la hausse n’est pas forcément remise en cause et peut même s’accélérer grandement par la suite. On peut notamment observer ce genre de situation sur les titres qui feront l’objet d’une OPA. En revanche, il faudra être plus suspicieux si le phénomène inverse se produit, c’est à-dire une forte augmentation des volumes, mais avec comparativement un titre qui monte peu ou qui perd de sa vitalité. En effet, ces volumes témoignent d’une pression vendeuse significative qui tente de coiffer le titre pouvant correspondre soit à des prises massives de bénéfices, soit à l’arrivée sur le marché de positions spéculatives à la baisse. Le risque de eetournement de tendance est donc important, les volumes étant un signe d’avertissement qui sera ou non confirmé.
Lors des phases de consolidation, il est préférable de voir une baisse de ces volumes, le faible repli du titre et les faibles volumes tant le signe de banales prises de bénéfices, ne remettant pas en cause l’engouement haussier initial. Nous pouvons à cette occasion introduire le terme général de distribution. On parle de phase de distribution, lorsque sur un haut niveau de prix et donc après une tendance haussière, on assiste à une forte augmentation de volume associée à un essoufflement ou à une stagnation de la courbe des prix.
Ceci témoigne d’une forte augmentation des ventes qui vont dans un premier temps être absorbées par l’engouement haussier. Mais celles-ci risquent par la suite d’entraîner la chute des cours, dès que les haussiers auront capitulé. Cette phase de distribution de sommet prend souvent la forme d’un trading range ou d’une figure chartiste de retournement. On assiste fréquemment à une augmentation de la volatilité (variation des cours importante et rapide). Cette augmentation des volumes permet de faire la différence avec d’éventuelles structures de consolidation comme un triangle (voir figures chartiste) ou un rectangle qui sont majoritairement associés à des volumes en baisse. La prudence et l’expérience amènent à considérer que toute structure d’indécision, quelle qu’elle soit, survenant sur un sommet potentiel et où l’on observe une augmentation singulière des volumes, doit être considérée, jusqu’à preuve du contraire, comme une structure de retournement. En résumé, lors d’une tendance haussière affirmée, une augmentation des volumes avec stagnation de la courbe des prix est le signe d’une phase de distribution à potentiel de retournement baissier.
Trois cas particuliers
Le premier est l’observation d’une hausse conséquente à faible volume, lorsque celle-ci se produit à la fin d’une panique baissière. En effet, suite à un très fort mouvement de baisse, à forts volumes caractérisant ces paniques baissières, il n’est pas rare de constater des hausses parfois importantes, progressives, mais discordantes avec de pauvres volumes. Cela est simplement dû au fait qu’il ne reste que très peu de titres candidats à la vente, la majorité des intervenants ayant vendu leurs actions lors du mouvement de panique. Il est bien sûr assez difficile, à l’initiation d’un tel mouvement de hausse, de savoir s’il s’agit tout simplement d’un rebond technique transitoire (pullback classique à faible volume) ou si cela est le préliminaire à un véritable retournement
haussier durable.
Le second est la survenue d’une très forte hausse, rapide et ininterrompue des prix, associée à une hausse comparable et considérable des volumes. Cela est le signe d’une panique acheteuse ou panique haussière, souvent due à un effet d’annonce, qui s’essoufflera assez vite et pourra donner lieu à un retournement très brutal (absence de consolidation intermédiaire). Parfois cela sera le signe d’une opération imminente sur le titre qui sera suspendu de cotation avant l’annonce d’une OPA ou d’une autre opération rélutive. Une opération rélutive est une opération qui favorise la valorisation du titre.
Le troisième est un cas de figure très fréquent où plusieurs phases de hausses se succèdent à partir d’un même niveau initial. Ce phénomène forme des sommets multiples souvent doubles ou triples. Dans ce cadre, il est pertinent d’étudier avec précision l’évolution des volumes sur les différentes phases ascendantes de ces sommets. Si ces volumes ont tendance à se raréfier sur les montées successives, cela est un signe de faiblesse incitant à ne pas prendre position à l’achat, mais plutôt à guetter un renversement baissier.
LES VOLUMES DANS LES TENDANCES BAISSIÈRES
Une considération fondamentale différencie l’évolution des volumes entre tendance haussière et baissière : il n’est point besoin de forts volumes pour alimenter la baisse d’une action. Un titre boursier peut chuter sous l’action de son propre poids, sous l’effet d’une force que l’on pourrait appeler « gravitation boursière ». En effet, si un titre est peu recherché, très peu d’acheteurs seront présents et les cours peuvent descendre très vite sans qu’il y ait en corollaire de forts volumes. Ainsi, contrairement aux résistances, les cassures de supports n’ont pas besoin d’être associées à de forts volumes pour être valides. Cependant, elles le sont assez souvent et l’on peut donc légitimement rechercher des volumes forts.
Les prix n’ont donc pas besoin de volumes importants pour baisser. En effet, la pression acheteuse étant faible, les vendeurs ont tout intérêt à proposer très progressivement leurs titres à la vente pour éviter toute dégringolade intempestive, qui leur porterait préjudice s’ils sont détenteurs de nombreuses actions. Ainsi des baisses prolongées et importantes peuvent se produire avec des volumes comparativement faibles. Contrairement au marché haussier, les faibles volumes ne sont absolument pas prédictifs de la pérennité ou non de la tendance baissière. Cependant, ces baisses peuvent et sont d’ailleurs souvent accompagnées de volumes conséquents, notamment celles initiées à l’issue de phases de distribution. Il est par ailleurs fréquent de voir, à un moment donné de cette évolution, une brusque accélération de la baisse et une forte augmentation des volumes associés. Ce phénomène, appelé « sell-off », annonce classiquement la fin de la baisse. Tout a été vendu ou presque lors de la débâcle.
Une panique baissière correspond à une très forte baisse du cours associée à de forts volumes, aboutissant à un creux majeur ou à un nouveau plus bas. En dehors des volumes, nous assistons de façon quasi constante, à une augmentation de l’amplitude des bar-charts, qui signe la panique par l’accroissement de volatilité à l’intérieur de la séance ou de la période. Elle peut survenir d’emblée suite à un effet d’annonce défavorable, souvent initiée par un breakaway gap (à forts volumes) ou bien survenir à l’issue d’une baisse préalable (sell-off). Très souvent, une reprise technique suivra, à faible volume, donnant parfois lieu à une nouvelle baisse, le marché éprouvant souvent le besoin de retester les creux majeurs. Si au cours de cette seconde baisse, les volumes sont comparativement en nette diminution, cela peut représenter un très bon signal de retournement haussier. En effet, le tarissement des volumes sur des creux majeurs successifs est un signe assez fin de l’affaiblissement de la pression vendeuse. La hausse qui s’en suivra, comme nous l’avons vu, pourra se faire alors avec de faibles volumes faute de titres proposés à la vente. Les volumes devraient cependant s’étoffer ultérieurement, en particulier sur les cassures d’anciennes résistances.
Dans les périodes de consolidations des tendances baissières (rebonds techniques), il est également usuel d’observer une baisse relative des volumes, de même lors des phénomènes de pullback après cassure de support. Cela les différencie, entre autre, d’éventuelles phases d’accumulation que nous allons voir.
Dans une zone basse de marché et après une phase assez longue de baisse, la stagnation des prix ou une évolution dans un trading range accompagnées de forts volumes, témoignent d’une phase d’accumulation, propice à un retournement haussier solide. En effet, ces volumes sont le témoin de l’entrée sur le marché de nombreux nouveaux acheteurs optimistes sur la valeur et donc peu
enclin à céder précocement leurs titres. La stagnation du cours quant à elle, met en évidence l’essoufflement de la pression vendeuse. Ceci va être propice à la formation d’une fondation solide, un support de qualité qui fera le lit d’une nouvelle hausse. Cette phase d’accumulation peut parfois être prolongée de plusieurs mois avant de produire l’effet haussier voulu.